Les ponts

Le pont de pierre

La rivière Allier a toujours été un obstacle aux échanges entre l’est et l’ouest de la vallée. Langeac se trouvant au carrefour des axes Lyon-Bordeaux et Clermont-Nîmes, le franchissement de la rivière se devait d’être assuré. Au grès des saisons et du niveau de la rivière, il se faisait à gué ou a l’aide d’un bac. Le bac ne pouvant être utilisé en cas de fortes eaux.

Au XIVème siècle un pont de pierre à 7 arches franchit l’Allier. Mais il est bas sur l’eau et les arches étroites. Rapidement détruit lors des crues. Il est reconstruit en 1388. Trois arches sont à nouveau emportées par la crue du 9 Octobre 1421.

Il est reconstruit en 1585, mais 2 ou 3 arches sont régulièrement détruites à chaque crue de la rivière. Des réparations provisoires souvent en bois ont permis une utilisation non permanente jusqu’en 1621. Cette année là, il est quasiment détruit par une importante crue. La base d’une des piles centrales est parfois visible par eau très base au milieu de la rivière. Un bac à péage a alors été utilisé jusqu’en 1833…

Le Pont Suspendu

Le 19 décembre 1833 est mis en service un nouveau pont. C’est un pont « suspendu », qui franchit l’Allier à 5,40 m au dessus de l’eau, en une seule portée.

La construction du pont a été autorisée par l’ordonnance royale du 15 octobre 1833. Cette même ordonnance approuve l’adjudication des travaux du pont, passée le 12 août 1833, en faveur du Sieur Camille Paret, en contrepartie d’une subvention de 30 000 francs et d’une concession de 98 ans. Le pont construit en 1833, comporte une travée unique , suspendue par fil de fer, de 62,5 mètres de long, pour une largeur de tablier de 4,40 mètres.

Copie d’un exemplaire original de l’ordonnance royale de 15 octobre 1833. Celle ci précise les tarifs de péage. A titre d’exemple, un cheval ou une vache destinée à la boucherie : 0.10 fr; 1 charrette attelée chargée et le conducteur : 0.40 fr; 1 charrette attelée avec 3 chevaux, chargée et le conducteur : 1.00 fr.

Rapidement baptisé « pont fil de fer » par la population, il ne pu résister à la crue du 17 octobre 1846 qui atteignit 5,90 mètres.

La « photo » ci dessus doit être une des plus anciennes du pont suspendu de 1846 ou celui reconstruit de 1848. En effet la position d’ancrage des câbles sur la rive droite montre que le pont est constitué d’une seule travée.

Réparé et rehaussé à 6,90 mètres en 1847-1848, il fut balayé par la crue exceptionnelle du 24 octobre 1866. Rapidement reconstruit en 1867, c’est la rampe d’accès côté Von qui est emportée en 1868 par la rivière qui a crée un nouveau bras, rendant l’approche du pont impossible.

Le rapport du préfet de Haute Loire de 1869 nous donne une information importante concernant la destruction du pont lors de la crue du 24 octobre 1866. Selon les termes du rapport  » le pont fut évidemment emporté parce que la culée de rive droite n’était fondée que sur du sable et à une profondeur de 25 centimètres seulement »

Le même rapport précise qu’après la destruction de la rampe d’accès rive droite par la crue d’octobre 1868 qui creuse un nouveau bras, le concessionnaire a été mis en demeure de faire les travaux nécessaires à la réouverture du pont. Celui n’en ayant pas les moyens « l’Administration supérieure avec sa grande bienveillance, a décidé le 19 juin 1869, de faire les travaux a ses frais et de consolider la rampe par un revêtement en « perrés » avec mortier sur le talus ».

Le 18 octobre 1872, la crue atteint presque le même niveau que celle de 1866. La rampe d’accès du pont est a nouveau enlevé sur 50 mètres. On construit alors une deuxième arche identique à la première, et le nouveau pont entrera en service le 24 mai 1874.

C’est ainsi que après un demi siècle de vicissitudes et beaucoup d’inquiétudes sur sa solidité, la ville de Langeac est dotée d’un pont qui restera en service pendant 55 ans. Le rapport du préfet de 1877 mentionne des travaux sur la pile centrale pour un montant de 8500 francs…

Le plan nous donne une idée de la position réelle du pont.

La carte de droite a été postée en 1905, mais le cliché est antérieur à octobre 1903. La rive droite facile d’accès est le rendez vous des laveuses et les gravières leur servent d’étendage pour sécher le linge.

Il est évident que deux attelages ne pouvaient pas se croiser sur le pont !

Ci dessus deux tirages d’un même cliché avec des cadrages légèrement différents. Au premier plan une barque qui a dû servir à traverser la rivière.

Les deux ponts sont côte à côte, mais le nouveau pont n’est pas encore en service. Les voitures circulent encore sur le pont suspendu et les badauds viennent admirer l’ouvrage. Puis après la mise service du nouveau pont, une des dernières photo sur laquelle on voit en arrière plan la travée rive droite encore en place , alors que la travée rive gauche a été démolie.

Aujourd’hui reste visible, la base de la pile rive droite sur laquelle est construit un garage, quelques blocs au milieu du lit de la rivière, et le départ du pont immédiatement à droite du départ du pont Alexandre Bertrand côté rue du Pont.

Pour mémoire, dans la période 1830-1880 le franchissement de l’Allier a le plus souvent été réalisé grâce à des ponts suspendus. Hormis ceux de Langeac et Costet, ont été construit les ponts de :

  • Lamothe : premier pont en 1835, détruit en 1884 ; second pont 1884 démoli en 1977
  • St Ilpize : construit en 1879
  • Chilhac : construit en 1883, toujours en service en 2021!

Le pont Alexandre Bertrand

Après la guerre de 14/18 avec le développement des transports routier le pont suspendu obsolète. La technologie ayant évoluée c’est un pont en béton armé de type « Bow-String » qui est réalisé. Il comprend deux arches, qui surplombent la rivière de 10 mètres, ce qui laisse beaucoup d’espace pour l’écoulement des eaux. Il a été construit par la l’entreprise Bollard de Paris.

La construction du pont a nécessité des études et des travaux préalables. Une description de la technologie de conception des travaux du pont a été publié par la revue  » La Technique des Travaux ». La revue explique la conception de l’ouvrage et présente une partie des gros travaux préliminaires: les échafaudages et coffrages, tous réalisés en bois.

Ces photos nous montrent que la portée de la rive droite a été construite en premier. Techniquement elle était la plus facile, car sur la terre ferme.

La construction du pont a nécessité 600 tonnes de ciments, 350 tonnes d’acier, 4000 mètres carrés de planches de coffrage, 220 mètres cubes de poutres de charpente, 10 tonnes de boulonnerie. Le coût global a atteint

1 800 000 francs or, financés par le département et l’état à hauteur de 37%.

Il a été inauguré le 15 septembre 1929, par « Mr Laurent Eynard » ministre de l’air et baptisé « Alexandre Bertrand » greffier, conseiller municipal et conseiller général du canton de Langeac, mais est souvent appelé « Pont Blanc ». C’est encore lui qui après plusieurs rénovations et une limitation de charge, est toujours en service aujourd’hui

Inauguration du pont Alexandre Bertrand. Qui pose sur la chaussée ? Au centre les officiels écoutent un discours! Est ce Mr Jury, maire de Langeac qui tient les pages blanches ? Cette personne ne ressemble pas à Mr Eynard. La photo de droite a été prise lors des essais en charge. On voit distinctement que l’ancien pont suspendu a été partiellement démonté. Il reste la travée rive droite, et au premier plan un portique qui a servi au démontage de la travée de la rive gauche.

Au dos des photos ci dessous il est écrit « inauguration du pont » sans date.. ! Un char fleuri du pont pour St Gal.. donc en juillet, et un défilé à cheval..suivi d’une clique musicale, pourquoi pas! Le défilé à cheval est mené par Mr Jules Chauchat-Rosier propriétaire du moulin de Lafond.

Ces clichés parmi les plus anciens. Le nouveau pont côtoie encore l’ancien pont suspendu, dont la travée rive gauche est déjà démolie. On peu dater cette photo de 1929-1930. Les laveuses ont investi le nouveau pont.

Deux photos du pont très proches l’une de l’autre, à moins que ce ne soit que le tirage qui diffère. Sur l’une on voit encore des vestiges du matériel de construction. La troisième nous montre les laveuses au travail sur la rive gauche. Remarquez où se trouve le lit principal de l’Allier, loin du quai !

Deux tirages différents d’un même cliché. Le plan est par erreur inversé par l’éditeur « Gaby », le mur du couvent le prouve.

Trois photos de l’Allier en crue. Au dos de celle de droite, il est indiqué 30.09.1933–1.10.1933. L’île d’Amour était sous les eaux.

Les quatre clichés ci dessus (ELNO-CIM) semblent identiques! En fait ils sont différents à quelques détails près, mais ils ont été pris par le même photographe. Les prises de vues ont dû s’étaler sur un temps relativement court.

L’époque moderne offre des photos en noir et blanc ou couleur de bien meilleure qualité.

Puis arriva l’utilisation des moyens modernes que procure l’aviation pour offrir des vues générales aériennes.

Le Pont de Costet

Bien que situé sur la commune de Mazeyrat-d’Allier pour une centaine de mètres ce pont a toujours fait partie de la vie des langeadois.

Une ordonnance royale du 22 juillet 1839 autorise la construction d’un pont à Costet. L’adjudication à été attribuée au Sieur Charles Guilhet pour une durée de 79 ans 11 mois! Ce pont est réalisé avec une travée de 55 mètres pour une largeur de tablier de 4.50 mètres. Le pont est ouvert à la circulation le 5 septembre 1840. Le 17 octobre la jetée du pont est endommagée. Le 12 août 1849 un incendie brûle tous les madriers du tablier. Cela oblige à une nouvelle interruption de circulation. Le nouveau pont est ouvert le 12 mai 1850. Un nouvel incendie le 13 juin 1856, inexplicable…, endommage le tablier. Le préfet ordonne aux concessionnaires de rétablir le pont, qui sera remis en circulation le 14 octobre 1856. La crue du 24 septembre 1866, qui dépasse de deux mètres la hauteur du tablier emporte le pont qui est complètement détruit.

Après bientôt 60 ans de recherche de document je n’ai rien trouvé concernant le pont suspendu de Costet, ni dessin, ni plan, ni photo qui existait pourtant à cette époque et bien sur pas de carte postale.

Les anciens dont je suis se remémoreront la présence de la culée rive gauche qui abritait une petite plage ou il faisait bon se baigner. On voit très bien cette construction sur les cartes postales anciennes. Elle a été enterrée lors de la rectification de la route dans les années 1960. Tous les déblais de terre et surtout de roche on été poussés sur la rivière.

Un bac est alors mis en service. Il sera emporté en octobre 1872. Les annales font état de la crue du 13 septembre 1875. Le pont de Costet en reconstruction, a deux piles endommagées et trois arches détruites. On peu supposer qu’il s »agissait d’un pont en maçonnerie, peut être l’actuel. Je n’ai rien trouvé…. Toutefois, le rapport annuel du préfet de Haute Loire de 1877 , fait état « de travaux sur le pont de Costet en cours d’achèvement »

On peut voir l’évolution de la rivière. Sur la photo de gauche on constate que l’île qui partage l’Allier en deux bras est très loin du pont. Photo de droite, années 50/60, l’île est très proche du pont, alors qu’aujourd’hui elle s’est à nouveau éloignée du pont. Mais sur la photo du centre on peut voir que la pile centrale est au sec, le banc de gravier commençant à l’amont du pont.

Sur le cliché ci-dessous, on constate que l’ile est repoussée très loin du pont, quelle est essentiellement caillouteuse. La végétation est très réduite. Cette photo date d’avant 1914. Il est probable que la photo a été prise au début de l’automne, les arbres ont des feuilles et la rivière est en crue.

Vers la fin des années 1950, la route d’accès au pont côté viaduc était devenu dangereuse compte tenu de l’augmentation de la circulation automobile. Elle était étroite, avec des marronniers côté rivière et des morceaux de murs entre les marronniers et surtout aucun trottoir pour les piétons.

Un jour les engins, les perforatrices et les tirs de mines ont eu raisons des rochers qui bordaient le côté gauche de la route. Tout le déblai a été poussé dans la rivière en recouvrant la pile de l’ancien pont suspendu, et aboutir à la situation actuelle; plus de virage et une grande plate-forme de stationnement.

Quelques photos récentes prises lors de la crue du 5 novembre 2011

 

Le Viaduc du Chemin de Fer

Le viaduc de Costet construit par le P.L.M. en 1865-1866 fait aussi partie des ponts de Langeac. Ce viaduc construit en pierres maçonnées, à usage unique du chemin de fer comporte 18 arches de 12 mètres, pour une longueur de 263 mètres et une hauteur de 21,5 mètres à l’étiage.
Si le projet initial du P.L.M. avait été réalisé, il n’aurait jamais été construit. La gare devait être établie sur plateau de la Madeleine, donc sur la commune de Mazeyrat, et la ligne devait rejoindre le tracé actuel à la hauteur de Lafont. C’est l’intervention énergique des élus langeadois et de leur maire par intérim Mr Tuja qui a fait que Langeac a eu « Sa gare » proche du centre ville.

Lors de la crue du 24 septembre 1866, alors que les ponts routiers de Langeac et Costet étaient détruit, le viaduc qui venait d’être terminé a résisté à la furie des eaux.

Carte photo datant de 1920. Mesdemoiselles Marie-louise et Véronique Vissac, qui deviendrons Mmes Marcon et Fournier. Respectivement ma grand tante et grand mère maternelle.

Sur cette photo du viaduc, prise du pont de Costet, on distingue très bien la culée de la rive gauche de l’ancien pont suspendu emporté par la crue de 1866. Dans les années 1950-1960 c’était un très bon observatoire, souvent fréquenté par Mr Vigouroux dit  » Cacaou », pour repérer les saumons. Les anciens se rappelleront que la « pile » protégeait une petite plage de sable, qui a disparue lors des travaux de la route.

C’était le temps des machines à vapeur grosses consommatrices d’eau. Ci dessous le petit bâtiment accolé au viaduc n’est autre que l’abri de la pompe qui alimente le château d’eau du dépôt PLM. Cette pompe était actionnée par une machine à vapeur fixe, d’où la présence de la cheminée, située au rez de chaussée de la maison. L’étage était destiné au personnel de garde. Je n’ai pas trouvé trace de la mise hors service de l’installation. Après 1945 la pompe était encore en place, mais n’était plus utilisée. L’étage était habité.

Sur les clichés de droite qui ont été réalisés vers 1950-1960 on peut remarquer deux détails. Au centre, la cheminée de la « pompe » est visible, elle dépasse du viaduc. A droite elle n’apparaît plus…

Le viaduc était en principe interdit au public. Mais nombreux ont été ceux qui l’ont emprunté à leurs risques et périls. Précisons quand même que les trains étaient entendus de loin, et que en cas d’urgence, les nombreux refuges existant côté amont, permettaient de se mettre en sécurité. Mais chaque fois on avait droit à un coup de sifflet rageur du mécanicien,que de bons souvenirs…

Un train touristique tracté par la 141R420 passe sur le viaduc.

Deux vues de la station de pompage d’eau du PLM. Cette pompe actionnée par une machine à vapeur fixe alimentait en eau de château d’eau du dépôt des machines à vapeur. Ce bâtiment a été démoli lors de la construction de la déviation et du rond point du viaduc.